Protection des photographies par le droit d’auteur : l’originalité appréciée cliché par cliché

L’utilisation d’une photographie sans l’autorisation de son auteur peut être constitutive d’acte de contrefaçon. Pour cela, encore faut-il que la photographie sur laquelle se fonde l’action bénéficie d’une protection au titre du droit d’auteur, au sens des articles L.111-1 et suivants du Code de la Propriété intellectuelle. Il appartient ainsi à l’auteur de rapporter la preuve du caractère original de l’œuvre.

La preuve de cette originalité est peu évidente à rapporter dans les faits. Elle est au cœur de nombreux litiges. L’arrêt de la Cour de Cassation du 21 octobre 2020 nous rappelle certains enseignements.

Dans cette affaire (1), un photographe a réalisé plusieurs clichés de roses, au bénéfice de sociétés horticultrices-productrices, sans qu’aucun contrat de cession de droits sur les photographies n’ait été dûment formalisé. Certaines de ces photographies ont été reproduites sur les catalogues de ces sociétés, qui ont été par la suite distribués auprès du public. Estimant que ces reproductions avaient eu lieu sans son autorisation, le photographe a assigné ces sociétés en contrefaçon de ses droits d’auteur.

S’en est, notamment, suivi un débat entre les parties sur le caractère original de ces photographies de rosiers.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence (2) l’a tranché en faveur du photographe, estimant, au travers d’une appréciation globale, que l’ensemble des clichés était original et se trouvait couvert par le droit d’auteur, dès lors que le photographe avait bénéficié, dans l’exercice de son activité, « d’une grande liberté d’action quant à ses choix artistiques », que ce soit au travers des prises de vue, du choix du sujet ou encore de la préparation de la mise en scène. L’exploitation des photographies n’ayant pas fait l’objet d’une autorisation expresse par leur auteur, les défenderesses ont été condamnées.

Cette décision est cassée par la Cour de cassation dans son arrêt du 21 octobre 2020 (1), qui remet en cause la méthode retenue dans la décision d’appel pour apprécier le caractère original des photographies. La Cour rappelle, en effet, que seul un « examen distinct de chacune des photographies » permet d’apprécier leur originalité respective. Une précision est toutefois apportée s’agissant de photographies présentant des caractéristiques communes pour lesquelles la Cour de cassation admet qu’elles puissent être regroupées, afin de faciliter leur examen, le cas échéant.

Cette solution n’est pas sans rappeler une décision similaire du 11 mai 2017 (3) à propos de photographies de footballeurs prises en rafale et reproduites, sans autorisation du photographe, sur plusieurs ouvrages, la Cour de cassation ayant refusé toute analyse globale des œuvres et invité les juges du fond à procéder à un examen distinct de chacun des clichés.

L’arrêt du 21 octobre 2020 est également l’occasion de rappeler l’importance que revêt la conclusion d’un contrat de cession sur des photographies, préalablement à toute utilisation. Le formalisme en la matière étant exigeant, de simples mentions telles que « cession des droits » sur les factures ou un accord tacite ne peuvent suffire. Une attention toute particulière doit donc être portée aux droits cédés (notamment, définition des droits d’exploitation – supports de reproduction et de diffusion -, durée, territoires d’exploitation).

Références :

(1) Cass. Civ. 1ère, 21 octobre 2020, n°19-16.193

(2) CA, Aix-en-Provence, 21 février 2019, n°16/00083

(3) Cass., 1ère, civ. 11 mai 2017, n°15-29.374

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