COVID-19 – OBLIGATION DE SECURITE ET RESPONSABILITE PENALE DU CHEF D’ENTREPRISE

COVID-19 – OBLIGATION DE SECURITE ET RESPONSABILITE PENALE DU CHEF D’ENTREPRISE- La loi du 11 mai 2020 apporte des précisions quant à l’appréciation de cette responsabilité

A l’heure du déconfinement et de la reprise progressive de l’activité des entreprises, le chef d’entreprise, tenu d’une obligation de sécurité, doit évaluer les risques spécifiques liés à la pandémie et mettre en place toutes les mesures de sécurité sanitaires permettant de préserver ses salariés contre une contamination dans le cadre de leur travail. Le gouvernement a publié ces dernières semaines de nombreux guides, par métiers et secteurs, préconisant des mesures de distanciation physique, de respect des gestes barrières, de prise en charge d’un salarié présentant des symptômes, de nettoyage et désinfection des locaux. Parmi ces guides, le Protocole national de de déconfinement est essentiel.

Le dirigeant, pénalement responsable, se voit dans ce contexte confronté à un risque important puisque sa responsabilité pénale pourrait être engagée en cas de manquement à son obligation de sécurité et de contamination d’un de ses salariés au sein de l’entreprise, sur le fondement du délit d’homicide involontaire ou de blessures involontaires ou encore de mise en danger de la vie d’autrui.

L’article 121-3 du code pénal est essentiel en la matière.[1]

Au sujet de la responsabilité des élus et notamment des maires, responsables pénalement dans les mêmes conditions que les chefs d’entreprise, un débat s’est engagé sur une possible déresponsabilisation dans le contexte spécifique des risques liés au déconfinement. Le gouvernement s’est prononcé en défaveur d’une telle mesure. Cependant, dans le cadre du vote de la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire du 11 mai 2020, un texte de compromis a été établi par la commission mixte paritaire et figure désormais dans ladite loi.

Il y est prévu que « l’article 121-3 du code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur. »

 Le législateur rappelle ainsi que l’article 121-3 du code pénal reste applicable, l’esprit de ce texte ne change pas du fait de cette nouvelle disposition, mais une clarification importante est apportée à destination des juges : ils devront contextualiser l’appréciation des compétences, des moyens et des pouvoirs du chef d’entreprise au moment des faits, et donc dans contexte très particulier de l’épidémie de Covid-19. Il est pertinent de préciser que cela était en principe aussi le cas avant cette nouvelle disposition, mais ce qui est nouveau c’est que cette exigence au sujet du mode d’appréciation des éléments du dossier par le juge, est explicitement prévue par la loi.

La loi rappelle ainsi au juge qu’il doit apprécier les diligences et mesures prises par l’employeur pour lutter contre la propagation du virus dans l’entreprise, au regard de la situation particulière de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire.

Ainsi, dans l’appréciation des diligences normales qu’aura prise l’employeur pour la reprise d’activité en toute sécurité pour les salariés, le juge examinera notamment de manière très concrète :

- si l’évaluation des risques liés à l’épidémie au sein de l’entreprise et suivant ses activités et spécificités a bien été faite,

- si les mesures d’organisation du travail et consignes de sécurité pour prévenir ces risques ont bien été prises et cela de manière adaptée et concertée avec les représentants des salariés et la médecine du travail,

- si les salariés ont bien été informés des dites mesures et formés à leur bonne application,

En ce qui concerne les normes applicables dans ce domaine spécifique du Covid-19, dont la violation pourrait entrainer la responsabilité pénale, résulteront principalement en ce domaine des décrets des 23 mars 2020 et 11 mai 2020. Il faut bien entendu également se référer aux mesures préconisées par le gouvernement et en particulier par le Ministère du travail, parmi lesquels le Protocole national de déconfinement pour les entreprises, qui ne peuvent être considérées comme étant imposées par la loi ou règlement mais qui sont un bon indicateur des diligences normales attendues de la part des chefs d’entreprises.

Au regard de tous ces éléments, il est essentiel en pratique pour les dirigeants d’être en mesure de retracer les mesures mises en place dans l’entreprise dans ce contexte, l’information et la formation délivrées aux salariés, les éventuelles sanctions prises en cas de non-application des consignes par ces derniers et enfin, bien entendu, de les réactualiser en fonction de l’évolution de la situation et des données scientifiques.

Tout cela permettra au dirigeant, dans l’hypothèse d’une mise en cause, d’apporter au juge tous les éléments lui permettant d’apprécier in concreto, et au regard de la situation et de l’état des connaissance scientifiques, que tous les moyens ont été mis en œuvre pour éviter la propagation du virus dans l’entreprise et garantir la sécurité des salariés.

CLEACH Avocats 15 mai 2020


[1] Art.121-3 du code pénal : il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.

Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.

Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.

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