L’adoption de mécanismes spécifiques tenant compte de l’impact de la crise sanitaire s’est révélée nécessaire afin que la situation, et notamment les mesures de confinement, ne porte pas atteinte aux droits des justiciables. En ce sens, les ordonnances[1] et lois[2] adoptées par le gouvernement français ont, entre autres, institué une « période juridiquement protégée » fixée du 12 mars au 23 juin 2020 à minuit.
1. LES DELAIS PRESCRITS PAR LA LOI OU LE REGLEMENT
Durant cette période juridiquement protégée, des mesures particulières ont été prévues concernant :
- « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement » ;
- qui auraient dû être accomplis pendant la période juridiquement protégée, soit entre le 12 mars et le 23 juin 2020 à minuit « à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque » ;
- ainsi que « tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit» ;
- pourront être valablement accomplis « dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois», soit jusqu’au 23 août 2020 à minuit.
Ce mécanisme permet donc de considérer que les actes, ci-dessus détaillés, qui seront réalisés après la fin de la période juridiquement protégée (i) dans le délai légalement imparti pour agir et (ii) dans la limite de deux mois, seront valables en dépit de leur tardiveté.
Sont toutefois expressément exclus du bénéfice de ce dispositif les « délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, [et les] délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits ».
2. LES DELAIS CONTRACTUELS
Les dispositions ci-dessus exposées ne concernent pas les délais contractuels qui doivent être respectés dans les conditions prévues par le contrat durant la période juridiquement protégée.
Les ordonnances précitées prévoient tout de même certains aménagements en la matière. Ainsi, afin de tenir compte de la situation actuelle, il a été décidé que :
- les délais conventionnellement fixés pour procéder à la résiliation ou à la dénonciation d’un contrat sont prorogés de deux mois à compter de la date de fin de la période juridiquement protégée lorsqu’ils arrivaient à échéance durant celle-ci ;
- les « astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé», ne peuvent produire d’effet durant la période juridiquement protégée. Deux méthodes sont mises en place afin de déterminer sous quel délai ces astreintes et clauses pourront prendre effet à l’issue de la période juridiquement protégée :
concernant les astreintes et clauses arrivées à échéance durant cette période: la date de l’échéance reportée sera fixée en tenant compte du nombre de jours écoulés entre :
le 12 mars 2020 (ou la date de naissance de l’obligation si elle est plus tardive) ;
et la date à laquelle l’obligation aurait dû être exécutée.
concernant les astreintes et clauses sanctionnant l’inexécution d’obligations autres que de paiement d’une somme d’argent arrivant à échéance après cette période : la date de l’échéance reportée sera fixée en tenant compte du nombre de jours écoulés entre :
le 12 mars 2020 (ou la date de naissance de l’obligation si elle est plus tardive) ;
et la date de fin de la période juridiquement protégée.
Le maniement de ces mécanismes, notamment de reports relatifs aux clauses sanctionnant les inexécutions contractuelles, est complexe. Par ailleurs, si l’on sait aujourd’hui précisément la date de fin de la période juridiquement protégée, il convient de demeurer attentif aux mesures prises par le gouvernement qui pourraient impacter la définition de cette période.
CLEACH Avocats 15/05/2020
[1] Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 et ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020.
[2] Loi n°2020-290 du 23 mars 2020 et loi n°2020-546 du 11 mai 2020.