COVID19 – COMMENT FAIRE FACE AUX DIFFICULTES D’EXECUTION CONTRACTUELLE

COVID19 – COMMENT FAIRE FACE AUX DIFFICULTES D’EXECUTION CONTRACTUELLE

La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 rend difficile voire parfois impossible l’exécution des obligations contractuelles. Plusieurs mécanismes de droit commun permettent d’atténuer les risques pour le débiteur d’une obligation inexécutée de voir sa responsabilité contractuelle engagée en raison de ses manquements.

L’exception d’inexécution (article 1219 du Code civil) constitue également un outil juridique lorsqu’aucune des parties n’est en mesure d’exécuter ses obligations et que l’inexécution arguée est suffisamment grave pour permettre à l’autre partie de s’en prévaloir pour justifier sa propre inexécution. Dans les autres cas, la force majeure et l’imprévision peuvent également être envisagées.  

1) Force majeure et imprévision : conditions

Prévue depuis la réforme du droit des obligations de 2016 par l’article 1218 du Code civil, la force majeure suppose la survenance d’un événement extérieur au débiteur de l’obligation, imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans ses effets, rendant dès lors impossible, temporairement ou définitivement, l’exécution de l’obligation.

S’agissant de l’imprévision, consacrée dans la loi par la réforme du droit des obligations de 2016 est désormais prévue par l’article 1195 du Code civil, suppose l’existence d’un changement de circonstances imprévisible lors de la signature du contrat, rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour l’une des parties.

Ce second mécanisme n’est applicable qu’aux contrats conclus ou renouvelés depuis 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de la réforme du droit des obligations. Cela étant, la jurisprudence a retenu concernant un contrat antérieur à 2016, que « la loyauté imposait [aux parties] de négocier, si le protocole d'accord s'avérait difficilement réalisable, et de proposer des conditions acceptables »[1].

Les articles 1195 et 1218 sont des dispositions supplétives. Les parties à une convention peuvent donc décider de les écarter, en donner une définition ou des effets distincts, ne retenir que certains cas précis comme étant constitutifs de force majeure ou d’imprévision. Il est donc nécessaire de se référer en premier lieu aux contrats dont l’exécution s’avère excessivement onéreuse ou impossible afin de déterminer s’il est possible ou non de faire valoir la force majeure ou l’imprévision et, le cas échant, dans quelles conditions.  

2) Force majeure et imprévision : distinction

L’événement, pour être qualifié de force majeure, doit rendre l’exécution de l’obligation impossible. Cette impossibilité doit être totale même si elle peut n’être que provisoire. L’appréciation par les tribunaux de l’impossibilité est très stricte de sorte que la force majeure n’est traditionnellement pas admise concernant les obligations de paiement[2].

Lorsque l’exécution est simplement rendue plus difficile ou plus onéreuse compte tenu de circonstances imprévisibles et postérieures à la signature du contrat, c’est le mécanisme de l’imprévision de l’article 1195 du Code civil qui devra être envisagé.

Cette distinction doit toutefois être relativisée lorsque l’événement de force majeure résulte d’« une décision de l'autorité́ publique qui a pour conséquence de porter atteinte à l'équilibre financier de situations contractuelles et qui, en matière civile, peut constituer un cas de force majeure »[3] autrement nommée fait du prince. Or en la matière, la jurisprudence a pu retenir que la prise de pareille mesure par l’autorité publique était constitutive d’un événement de force majeure alors même que le débiteur de l’obligation se trouvait « dans l’impossibilité de continuer à fonctionner dans les mêmes conditions qu’auparavant »[4].

  • Force majeure et imprévision : effets

La force majeure permet la résolution de plein droit du contrat lorsque l’événement est définitif ou que sa survenance a fait perdre à la convention tout objet. Lorsque l’impossibilité n’est que temporaire, la force majeure permet de suspendre l’exécution de l’obligation, le temps de l’événement qui la rend impossible, sans risque de pénalités ou de dommages et intérêts. Mais dès lors que l’impossibilité disparaît, et sauf à démontrer que c’est le contrat dans son entièreté qui a été suspendu, le débiteur sera tenu d’exécuter l’obligation qui était jusqu’alors impossible.

L’imprévision offre pour sa part la possibilité de renégocier les conditions du contrat dont l’exécution serait devenue trop onéreuse. Les parties demeurent toutefois en théorie tenues d’exécuter leurs obligations durant cette renégociation. Sauf accord entre les parties, ce mécanisme ne permet donc pas de suspendre immédiatement l’exécution du contrat considéré.  Par ailleurs, si l’autre partie refuse de renégocier le contrat ou que la tentative de renégociation échoue, c’est au juge qu’il appartient de se prononcer. L’éventuelle saisine du juge risque de poser des difficultés, seuls les contentieux relevant de l’absolue urgence étant actuellement traités pas les juridictions françaises.

3) Recommandations pratiques

La situation actuelle est inédite et impacte l’ensemble des acteurs économiques. Il est donc plus que jamais recommandé, avant de décider de mettre en avant l’un ou l’autre de ces concepts juridiques, de bien évaluer lequel est le plus adapté et surtout si cela ne risque pas de nuire aux bonnes relations contractuelles. Brandir des arguments juridiques aléatoires faisant d’un partenaire un adversaire, alors que le recours au juge est aujourd’hui très limité, peut s’avérer inopportun et inefficace. Entre partenaires commerciaux, il est essentiel de privilégier la discussion en toute transparence et bonne foi afin de mettre en place des modalités pratiques d’exécution compatibles avec la crise sanitaire actuelle, de s’accorder sur une suspension du contrat, de convenir d’une révision des tarifs appliqués, de mettre en place des échéanciers ou toute autre solution permettant de préserver la pérennité des rapports commerciaux, essentielle pour la continuité et/ou la reprise de l’activité dans les circonstances actuelles

[1] Com., 15 mars 2017, n°15-16406.

[2] Com., 16 septembre 2014, n° 13-20306.

[3] G. Cornu, Assoc. H. Capitant, Vocabulaire juridique : Puf, Quadrige, 8e éd., 2007, V° Fait du prince, a et b. dans La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 15-16, 9 Avril 2020, 1162 : Contrats et obligations - L'impact d'une crise sanitaire sur les contrats en droit commercial à l'occasion de la pandémie de Covid-19, Martine Behar-Touchais.

[4] Soc., 19 novembre 1980, n°74-41574.

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