La loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la Justice est entrée en vigueur le 1er janvier 2020, à la suite de la publication des Décrets d’application et en particulier du Décret du 11 décembre 2019 portant modification du Code de procédure civile.
Cette importante réforme de la procédure civile comporte de nombreuses mesures auxquelles, en tant que praticiens du droit, nous allons devoir nous adapter et dont il nous faudra tenir rigoureusement compte dans le traitement des dossiers qui nous sont confiés.
Nombre d’entre elles sont très techniques et concernent notamment les modes de saisines des juridictions, les mentions obligatoires devant être portées sur les actes judiciaires en demande ou encore la communication électronique. Nous ne les détaillerons pas ici. Il nous a semblé important, en revanche, de relever un certain nombre de dispositions nouvelles majeures qui intéressent directement le contentieux des affaires.
Le nouveau Tribunal Judiciaire
La création d’une nouvelle juridiction dénommée Tribunal Judiciaire constitue l’une des mesures majeures de cette réforme et résulte de la fusion des Tribunaux de grande instance et Tribunaux d’instance qui disparaissent subséquemment.
Cette fusion ne remet pas en cause la compétence du Tribunal de commerce qui demeure par principe la juridiction compétente, sauf exception notamment en matière de baux commerciaux, pour trancher les litiges commerciaux (article L. 721-3 du Code de commerce).
L’exécution provisoire de droit des décisions de justice
Alors que, selon les dispositions anciennes, l’exécution provisoire devait, sauf exceptions, être ordonnée par le juge, à compter du 1er janvier 2020 les décisions de première instance rendues par le Tribunal judiciaire et par le Tribunal de commerce en première instance deviennent exécutoires de plein droit.
C’est désormais le principe et il n’en va différemment que si :
-la loi en dispose autrement : ne sont pas exécutoires de droit les décisions du Tribunal de commerce en matière de préservation du secret des affaires, les décisions du Conseil de prud’hommes (là encore sauf disposition contraire), la majorité des décisions relatives à l’état des personnes, les décisions des Juges aux affaires familiales (suivant un certain nombre de conditions) ;
-le tribunal ou le juge en a décidé autrement dans la décision : il peut, en effet, écarter l’exécution provisoire de droit en tout ou partie, d’office ou à la demande des parties, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire ou qu’elle risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives. La décision écartant l’exécution provisoire de droit doit être motivée (Article 514-1 du Code de procédure civile). Par exception toutefois, l’exécution provisoire ne peut jamais être écartée par le juge saisi en référé ou juge de la mise en état lorsqu’il rescrit des mesures provisoires pour le cours de l'instance, des mesures conservatoires ou lorsqu’il accorde une provision au créancier;
-en cas d’appel, le premier président saisi par l’une des parties décide d’arrêter l’exécution provisoire : la nouveauté réside ici en ce que, si avant la réforme le demandeur devait seulement démontrer que l’exécution de la condamnation prononcée en première instance aurait pour lui des conséquences manifestement excessives (i), il est désormais nécessaire de rapporter en outre la preuve de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision (ii). Par ailleurs, si le demandeur n’a pas fait valoir en première instance les risques que présenterait pour lui l’exécution provisoire de la décision à rendre, celui-ci devra démontrer, sous peine d’irrecevabilité, que les conséquences manifestement excessives arguées se sont révélées postérieurement à la décision de première instance (iii) (Article 514-3 du Code de procédure civile).
Il ne sera donc plus nécessaire de solliciter l’exécution provisoire dans le cadre notamment des demandes de l’assignation. En revanche il sera important, en défense, de demander au juge ou au tribunal d’écarter l’exécution provisoire de droit et de lui apporter pour cela les arguments qui lui permettront de motiver sa décision à ce sujet. La situation est donc totalement inversée par rapport à ce que prévoyaient les anciens textes.
Ces nouvelles dispositions auront nécessairement un impact sur les procédures d’appel qui ne seront plus suspensives d’exécution des condamnations et mesures prononcées par les premiers juges. Or, si ces nouvelles dispositions peuvent permettre de lutter efficacement contre les appels dilatoires, elles pourront dans le même temps présenter un risque pour la partie ayant succombé en première instance. La demande visant à subordonner l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie pour limiter les risques de non-restitution ou réparation à l’issue de la procédure d’appel, conformément aux dispositions inchangées des articles 517 et suivants du Code de procédure civile, devrait toutefois permettre de réduire ces risques.
L’extension de la représentation obligatoire
Parmi d’autres mesures en matière de représentation obligatoire, l’une des nouvelles dispositions concerne la représentation devant le Tribunal de commerce.
Jusqu’à aujourd’hui devant le Tribunal de commerce, les parties pouvaient se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix munie d’un pouvoir spécial.
L’article 853 du Code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, inverse le principe et prévoit que la représentation par avocat des parties à un litige devant le Tribunal de commerce devient obligatoire à compter du 1er janvier 2020, sauf disposition contraire et notamment lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10.000 euros, en matière de procédures collectives ou de litiges relatifs à la tenue du RCS.
La résolution amiable des litiges encouragée
La réforme de la procédure civile encourage les parties à résoudre à l’amiable leurs différends et impose d’ailleurs devant le Tribunal Judiciaire, à peine d’irrecevabilité, dans certaines matières et sous certaines réserves, le recours préalable à la conciliation, la médiation ou à une procédure participative.
Tel sera, par exemple, le cas pour toutes les demandes tendant au paiement d’une somme inférieure ou égale à 5.000 euros ou encore en matière de bornage.
Nous pouvons noter que cette condition prescrite à peine d’irrecevabilité ne devrait pas avoir un impact majeur sur le contentieux des affaires en ce qu’elle demeure cantonnée à des litiges portant sur de faibles montants ou des matières spécifiques.