Sponsors de sportifs, attention à la présomption de mannequinat !

Les contrats de sponsoring sont omniprésents dans le monde du sport, présentant des avantages mutuels pour les parties impliquées, soit le sponsor (l’entreprise ou la marque) et le ou les sponsorisé(s) (l’athlète, le club ou l’évènement sportif).

Lorsque cette relation de prestation de services est centrée sur l’image d’un athlète, cela peut avoir des conséquences significatives sur la relation.

Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 2021 (Cass. 2e civ., n° 19-24.610), la jurisprudence tend à requalifier les contrats de sponsoring en contrats de mannequinat. Cette tendance, confirmée par plusieurs décisions récentes (voir en ce sens Cass. 2e civ., 23 juin 2022, n° 21-10.416, ou encore CA Aix-en-Provence, 23 mai 2023, n° 21/14908, sur renvoi), appelle à une vigilance importante et soulève des enjeux juridiques, sociaux et fiscaux majeurs, redéfinissant les relations entre sportifs et sponsors.

Définition et objet du contrat de sponsoring

 Un contrat de sponsoring est un accord dans lequel un acteur économique, le sponsor entend capitaliser sur l’image de l’athlète pour promouvoir sa marque. En contrepartie, le sponsor verse à l’Athlète une rémunération (financière ou en nature - équipements, tenues, etc.). Cette promotion peut se manifester par le port d’accessoires aux couleurs du sponsor, des publications sur les réseaux sociaux, l’organisation de shooting ou encore la participation à des événements de la marque.

Ce partenariat vise à valoriser l’image du sponsor grâce à la notoriété et à l’influence de l’athlète. En droit français, le contrat de sponsoring n’a pas de définition légale spécifique. Pendant de longues années, il a été assimilé à un simple contrat de prestation de services. L’athlète était considéré comme un prestataire indépendant, libre d’exécuter le contrat sans lien de subordination avec le sponsor. Ce statut d’indépendant permettait de limiter les obligations fiscales et sociales pour les deux parties.

Depuis plusieurs années, cette qualification a été remise en question dès lors que l'image de l'athlète, plutôt que sa performance sportive, est l’élément central du contrat.

Le sportif sponsorisé considéré comme un mannequin

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 mai 2021, suivi par une décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 23 mai 2023, a marqué un tournant dans la qualification des contrats de sponsoring impliquant des athlètes.

Dans cette affaire, un athlète était rémunéré par le sponsor pour « porter exclusivement les équipements de sa marque lors de toutes les manifestations ayant trait à son activité sportive, et de fournir des clichés de son image avec le matériel de la marque ou de se rendre disponible pour permettre la réalisation de tels clichés nécessaires à la promotion de son équipement ».

Or, et pour rappel, le Code du travail dispose en son article L.7123-2 que :

« Est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n'est exercée qu'à titre occasionnel, toute personne qui est chargée :

 1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;

 2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image. »

Tenant compte du fait que l’accord entre le sponsor et l’athlète repose essentiellement sur l’exploitation de l’image de ce-dernier, la Cour a requalifié juridiquement le contrat de sponsoring en contrat de mannequinat.

Cette requalification entraîne la présomption selon laquelle l’athlète mannequin bénéficie du statut de salarié, conformément aux dispositions de l’article 7123-3 du Code du travail. En conséquence, le droit du travail s’applique de plein droit à la relation contractuelle.

Pour échapper à ce régime, les parties doivent alors prouver l’absence de lien de subordination, ce qui, en pratique, s’avère être un défi juridique complexe dans la mesure où l’article 7123-4 du Code du travail  dispose que la présomption de salariat « subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties » et « n'est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d'action pour l'exécution de son travail de présentation ».

Conséquences sociales et fiscales de la requalification de l’athlète sponsorisé en mannequin salarié

La requalification en contrat de travail entraîne des implications significatives pour les deux parties :

- Pour le sponsor (devenu employeur), des frais et un cadre juridique non anticipé :

- Obligation de verser des cotisations sociales patronales sur les rémunérations perçues par l’athlète. Ces cotisations incluent les cotisations de sécurité sociale, retraite, assurance chômage et autres contributions liées aux salariés ;

- Obligation de respecter le cadre du droit du travail, en particulier les règles relatives à la durée de travail, au repos, à la santé et sécurité de l’employé, ainsi qu’aux congés ;

- Sur le plan administratif, le sponsor doit également s’acquitter des obligations de déclaration et de versement auprès des organismes sociaux (URSSAF, caisse de retraite, etc.).

- Pour l’athlète (devenu salarié), des obligations fiscales et salariales non prévues :

- L’athlète bénéficie de la protection sociale attachée au statut de salarié, ce qui lui ouvre des droits en matière de couverture santé, d’assurance maladie, d’accidents du travail, de cotisations retraite et d’assurance chômage ;

- Sur le plan fiscal, l’athlète est soumis aux prélèvements obligatoires applicables aux salariés et à l’impôt sur le revenu correspondant, ce qui peut modifier le niveau de sa rémunération nette ;

- Cette requalification restreint la liberté contractuelle de l’athlète, qui doit désormais se conformer aux obligations liées au statut de salarié et peut voir son rôle défini par des horaires ou des instructions du sponsor.

Conclusion et recommandations

Dès lors, la rédaction d’un contrat de sponsoring impliquant un athlète en France nécessite une réflexion approfondie sur la nature de la relation contractuelle, en prenant soin de définir les obligations respectives en matière de valorisation de l’image, d’exploitation de cette dernière, et des conditions d’intervention de l’athlète et les conditions de rémunération.

Afin de maitriser les enjeux, une réflexion devra être, notamment, menée sur :

- l’autonomie de l’athlète dans le cadre de la relation contractuelle , et son degré de liberté dans l’organisation de son temps de travail et la réalisation de la prestation ;

- la nécessité ou non de prévoir des clauses d’exclusivité ou de non-concurrence, qui restreignent la liberté de l’athlète sponsorisé ;

- la présence, ou non, de clauses instaurant un système de sanction pour l’athlète, par exemple en cas de baisse de sa réputation (extra sportif, dopage, etc.) ou de non-respect de l’image du sponsor.

Si un contrat de travail devait être conclu, celui-ci devra impérativement inclure certaines mentions légales obligatoires, telles que la nature du contrat de travail (CDI/CDD - avec les risques de requalifications qui existent), la durée du travail, les droits à congés, la convention collective applicable, ou encore la durée du préavis.

Melvina VALERII et Paul ALEXANDRE

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