Bien souvent, les futurs dirigeants se mettent d'accord sur une marque avant même que leur société soit officiellement constituée. Ils choisissent alors de déposer cette marque en mentionnant qu'ils agissent « pour le compte de la société en cours de formation ». Cependant, beaucoup omettent de régulariser l’identité du titulaire de la marque après l’immatriculation de la société, ce qui peut entraîner des conséquences juridiques importantes, notamment en cas de litige devant les tribunaux ou les offices de propriété industrielle.
Un exemple récent illustre les risques liés à ce type d'omission. Une société spécialisée dans le secteur alimentaire avait en mai 2023, soit huit mois avant son immatriculation, déposé la marque « PROPULSE » sous le nom de sa dirigeante, avec la mention « agissant pour le compte de la société X en cours de formation ». Mais une fois la société immatriculée en janvier 2024, aucune démarche de régularisation n'a été entreprise pour transférer la titularité de la marque à la nouvelle entité.
Quelques mois plus tard, cette société découvre qu’un concurrent commercialise une gamme de boissons sous le signe « PROPULSE » et l’assigne en référé contrefaçon de marque devant le Tribunal judiciaire de Lyon.
Le 1er octobre 2024, le Tribunal rend son jugement : la société demanderesse est jugée irrecevable.
Pourquoi ? Parce que la marque n'a jamais été officiellement transférée à la société et reste enregistrée sous le nom de la dirigeante, « agissant pour le compte de la société X en cours de formation ».
En effet, l’article L. 716-4-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « l’action civile en
contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque ou par le licencié avec le consentement du titulaire, sauf stipulation contraire du contrat ». Ici, aucun contrat de licence n'avait été conclu, ni aucune régularisation effectuée.
Heureusement, la dirigeante était également partie à l’action, ce qui lui a permis de solliciter des mesures d’interdiction et de réparation. Cependant, les préjudices qu’elle a subis étaient bien moins significatifs que ceux de la société. Cela explique le faible montant de l’indemnisation obtenue, soit 1 000 euros, en comparaison des 10 000 euros réclamés initialement par la société.
En pratique, tant que la mention « agissant pour le compte de la société X en cours de formation » figure au registre de l'INPI, la marque est considérée comme appartenant aux personnes l’ayant déposée. Elle n’intègre donc pas le patrimoine de la société, malgré sa valeur économique potentielle et son rôle d'identification.
Pour éviter ces écueils, deux étapes essentielles doivent être suivies lors du dépôt d'une marque pour le compte d'une société en formation :
1/ Prévoir dans les statuts de la société la reprise des actes accomplis pour le compte de la société jusqu’à son immatriculation. Il est important de faire figurer les informations concernant la marque en cause (ex : numéro d’enregistrement, date de dépôt) dans les annexes de ces statuts.
2/ Réaliser les formalités de régularisation auprès de l'INPI : dès l'immatriculation de la société, il convient de procéder à une inscription de rectification auprès de l’INPI en indiquant la raison sociale et la forme juridique de la nouvelle entité.
Notre cabinet vous accompagne dans ces démarches afin de sécuriser vos marques et de régulariser les informations associées, vous assurant ainsi une protection optimale de vos actifs intellectuels.
Rédigé par Maître Camille LAURENT